Mali: le M5-RFP se dit prêt à travailler avec la junte pour «une transition républicaine»
En seize mois, l’épidémie a fait 2 235 morts. L’OMS admet qu’il lui faudra gagner la confiance des populations pour en venir à bout.
Agents de la Riposte contre le virus Ebola, en octobre 2019 à Béni, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Zohra Bensemra/REUTERS
Ebola est de retour à Beni, dans la région du Nord-Kivu, à l’est de la République démocratique du Congo (RDC). L’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le ministère de la santé congolais qui coordonnent la Riposte à l’épidémie apparue en août 2018, ont annoncé, mardi 7 janvier, l’apparition d’un nouveau cas de fièvre hémorragique après vingt-neuf jours d’accalmie. Soit au-delà des vingt et un jours à partir desquels une zone est considérée comme libérée du virus. L’homme, âgé de 40 ans, aurait été contaminé par une personne décédée fin décembre 2019.
Des cas de résurgence ont également été constatés à Mambasa, une localité située à une centaine de kilomètres au nord, dans la province voisine de l’Ituri. Cette fois-ci après soixante-six jours de répit. « On ne comprend pas. Toute la région est bouclée par la Riposte. La population a fini par s’y plier et a accepté de suivre les consignes. Pourquoi ça ne finit pas ? », se demande Miel Kaghulalo, qui travaille au centre de traitement Ebola de Beni.
« Business Ebola »
En seize mois, le bilan de la dixième épidémie connue en RDC s’établit à près de 3 400 cas de contamination et 2 235 décès, dont plus de la moitié sont des femmes et un tiers, des enfants. Après avoir été décrétée par l’OMS « urgence sanitaire mondiale » en juillet 2019, l’épidémie a été progressivement maîtrisée. Le nombre de nouveaux cas a été ramené à une dizaine par semaine contre plus de 100 au pic de la contagion. « Il y a quelques semaines, nous pensions que le bout du tunnel était proche, se souvient John Johnson, le coordinateur des opérations de la branche française de Médecins sans frontières (MSF). Il restait deux chaînes de transmission bien identifiées et sous contrôle. Aujourd’hui, nous voyons réapparaître des cas éparpillés dont nous avons du mal à tracer l’origine et plusieurs dans des villes importantes comme Beni ou Butembo. C’est ce qui inquiète. »
Dans un climat de défiance persistante entre les populations et les organisations sanitaires et humanitaires intervenant sur le terrain, il n’en fallait pas davantage pour alimenter les interprétations les plus sombres : « Le sentiment que cela ne va jamais s’arrêter s’installe et avec lui l’idée que de nombreuses personnes en tirent intérêt », explique Stewart Bute, membre du mouvement citoyen la Lucha à Beni, en citant « les ONG étrangères financées par l’assistance internationale, les médecins qui utilisent cette épidémie pour faire avancer la science et tous les locaux qui ont, du jour au lendemain, trouvé un emploi bien rémunéré en travaillant pour des acteurs de la Riposte ». L’économie locale s’est mise au rythme du « business Ebola ».
Depuis le début, dans ces régions de l’est de la RDC où les populations se sentent abandonnées et livrées à la violence des groupes armés, les centaines de millions de dollars mobilisés pour contrer le virus ont été jugés suspects. « Les moyens déployés sont apparus disproportionnés alors que les besoins basiques en termes d’accès à la santé, à l’eau, à la nourriture ne sont pas assurés pour la grande majorité des familles. Cela a créé de l’incompréhension et de la défiance, même si la gravité de l’épidémie justifie de mettre autant de moyens pour la contrôler », observe le docteur Malam Issa Kanta, coordonnateur des urgences pour l’ONG médicale Alima. L’introduction au mois de novembre 2019 d’un deuxième vaccin expérimental mis au point par le laboratoire américain Johnson & Johnson a conforté ceux qui pensent qu’ils sont devenus des cobayes dans un vaste champ d’essais cliniques disputé par des multinationales du secteur pharmaceutique.
« Renverser la tendance »
L’insécurité continue d’entraver le déploiement des équipes sanitaires censées prévenir de nouvelles flambées de l’épidémie. Les agents de la Riposte ont été la cible d’environ 390 attaques en 2019. Une dizaine d’entre eux y ont laissé leur vie. « Nos camps et nos hôtels ont été attaqués, des intervenants ont été tués, dont l’un de nos collègues, alors qu’il travaillait dans un hôpital. Nous devons négocier l’accès à de nombreuses communautés contrôlées par des milices locales et nous attendre à être attaqués n’importe où, à n’importe quel moment », relate Marie-Roseline Darnycka Bélizaire, responsable des interventions de l’OMS.
L’épidémiologiste haïtienne tire le constat qui s’impose à tous désormais : « La méfiance envers les organisations internationales a érigé un mur entre les communautés et nous. Tant que nous n’aurons pas gagné leur confiance, il sera impossible de renverser la tendance. » Une réalité d’autant plus difficile à accepter qu’un vaccin et un traitement efficace s’il est prescrit rapidement sont pour la première fois disponibles pour agir dans une situation d’urgence. Le vaccin Ervebo, élaboré par le laboratoire Merck et homologué par la Commission européenne en novembre 2019, a été administré à plus de 260 000 personnes considérées comme à risque du fait de leurs liens avec des malades.
Pour gagner cette confiance, la Riposte modifie ses procédures d’intervention en déplaçant petit à petit le dépistage d’Ebola dans les centres de santé locaux fréquentés habituellement par la population. Des pièces d’isolement y sont installées où les patients attendent le résultat des tests avant d’être, si nécessaire, transférés vers un centre de traitement Ebola. Ainsi Ebola est moins ce monstre qui vous condamne d’emblée à être enfermé dans des constructions fraîchement assemblées, tout sauf rassurantes et dirigées par des étrangers en tenue de cosmonaute. « Nous faisons aussi des efforts pour renforcer les systèmes de santé locaux afin de permettre la prise en charge d’autres maladies. Des médicaments sont distribués gratuitement », insiste le docteur Belizaire de l’OMS. Comment la population pourrait-elle comprendre que tout cet argent dépensé ne serve qu’à lutter contre Ebola quand chaque jour on meurt de rougeole, de paludisme, de choléra ?
« Arme politique »
Le 24 décembre 2019, MSF Suisse a mis un terme à ses activités à Biakato en raison de la présence de militaires à l’intérieur des structures de santé. Un mois auparavant, le centre de traitement Ebola de cette localité d’Ituri, où l’épidémie a fait un nombre important de victimes, avait été la cible de groupes armés. Pour l’ONG humanitaire, cette présence viole la garantie de neutralité à laquelle elle s’engage dans ses interventions. « Nous avons besoin que les personnes qui seraient contaminées se sentent en confiance. C’est indispensable pour venir à bout de cette épidémie », explique Hugues Robert, responsable des programmes d’urgence de MSF Suisse.
ace à la multiplication des violences, le directeur général de l’OMS, le docteur Tedros, a demandé au gouvernement de mieux assurer la sécurité des agents de santé. Mais la façon de mettre en œuvre cette requête ne fait pas seulement débat parmi les acteurs de la Riposte.
« Ici, l’utilisation des services de sécurité est souvent synonyme de violation des droits humains. Si je dois aller me faire soigner, je ne veux pas me retrouver face à celui qui m’a matraqué dans une manifestation pacifique », met en garde Stewart Bute, de la Lucha. « Leur présence risque d’attiser la méfiance et cette idée vivace qu’Ebola est une arme politique pour nous exterminer », prévient-il.