Mali: le M5-RFP se dit prêt à travailler avec la junte pour «une transition républicaine»
C’est un témoignage exceptionnel. De ceux qui donnent corps à l’atrocité. Médecin légiste en Italie, Cristina Cattaneo relate, dans Naufragés sans visage, son travail auprès des cadavres de migrants retrouvés dans la mer Méditerranée. Elle le raconte sincèrement, minutieusement. A plusieurs reprises, depuis cinq ans, elle effectue les gestes scientifiques (observations, mesures…) qui permettent à une famille de reconnaître un des siens. Autant dire qu’aux cadavres elle fait les poches littéralement.
Elle trouve des dessins, des journaux intimes, des livres, des écouteurs, des sucreries, des cartes de toutes sortes. Elle tombe ici sur une bourse remplie de terre d’Erythrée. Là, cousu dans la veste d’un adolescent malien, sur « un petit pli de papier composé de plusieurs couches ». C’est un bulletin de notes. Le jour où cela est arrivé, se souvient-elle, toute son équipe, pourtant aguerrie, a été saisie par l’émotion : « Il y eut un grand silence. » De quel futur rêvait cet écolier ?
« Plus encore que les visages, parfois, ce sont les effets personnels qui nous touchent. Je n’ai jamais vraiment compris pourquoi, mais peut-être est-ce parce qu’ils représentent les derniers gestes, les derniers choix. Ou alors plus égoïstement parce que si les visages sont clairement ceux des “autres”, beaucoup de ces objets pourraient être les nôtres : un jouet de votre fille, un gilet de votre père. »
Sursaut moral
La lecture est bouleversante, d’autant plus que la protagoniste est portée par une éthique professionnelle dont on découvre tout. Son devoir, mais aussi celui de tous ceux qui travaillent avec elle (biologistes, anthropologues, odontologues, archéologues…) au laboratoire d’anthropologie et d’odontologie forensique de Milan, consiste à « rendre justice aux morts ». Par cela, ils entendent ne laisser personne disparaître sans un nom. Avec les noyades en Méditérrannée, le devoir se double d’un combat : que cette identification ne soit pas un privilège d’Occidentaux.
C’est la catastrophe de Lampedusa, du 3 octobre 2013, qui sert de « banc d’essai ». Cristina Cattaneo et ses collègues, avec les quelques fonds de leur laboratoire encore disponibles, conçoivent une banque avec les données post-mortem dont ils disposent. Son récit est alors celui d’un sursaut moral : l’histoire d’une petite équipe d’un petit institut qui, à elle seule, parvient à changer les choses.