Le Nord ivoirien en alerte

Pour éviter la contagion terroriste partie du Mali et qui a gagné le Burkina et le Bénin, Abidjan tente de sécuriser sa frontière et de répondre à l’insatisfaction de sa population.

L’armée de terre ivoirienne circule dans les rues en terre de la ville de Kaouara, à la frontière avec le Burkina Faso, fin octobre 2019

L’attentat du 13 mars 2016 perpétré par des terroristes affiliés à Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) avait semé l’effroi en Côte d’Ivoire par sa violence. Le temps d’une rafale meurtrière, le cadre idyllique des plages de cocotiers de Grand-Bassam était devenu champ de bataille sur lequel gisaient 19 corps. Mais les Ivoiriens pouvaient se rassurer en se disant que cet acte ignoble avait été conçu loin de chez eux, commis par un commando venu des provinces lointaines du Mali voisin, au nom d’une idéologie étrangère aux Ivoiriens. Les combats et les attentats se déroulaient bien plus au nord, à 1 500 km d’Abidjan, au cœur du Sahel, loin des forêts ivoiriennes.

Trois ans plus tard, la donne a changé. Beaucoup, y compris à Paris, partagent dorénavant le constat dressé il y a quelques mois par le président du Niger, Mahamadou Issoufou : « La ligne de front tend à descendre vers le sud. De la Guinée au Bénin, aucun pays n’est plus à l’abri. » Alors que le Mali, au nord comme au centre, continue d’être le théâtre d’affrontements meurtriers et de massacres intercommunautaires, la nouvelle inquiétude pour le Niger et les pays du golfe de Guinée a aujourd’hui pour nom Burkina Faso. « Si le verrou burkinabé saute, c’est toute l’Afrique de l’Ouest qui sera en danger », avertit le ministre des affaires étrangères du Burkina, Alpha Barry. Et personne aujourd’hui ne peut affirmer que l’Etat burkinabé ne s’effondrera pas, comme le Mali en 2012.

En l’espace de quelques mois, les autorités burkinabées ont ainsi perdu le contrôle d’un tiers du territoire, au nord, surtout, mais également à l’est sur une bande plongeant de la zone septentrionale des trois frontières (Niger, Mali, Burkina) jusqu’au Ghana, Togo et Bénin, à l’extrême sud.

Des similarités socio-économiques entre le nord de ces trois derniers pays et certaines régions du Burkina Faso font craindre en effet une reproduction du scénario burkinabé : communautés musulmanes qui se sentent marginalisées par les pouvoirs centraux, conflits éleveurs-agriculteurs exacerbés par le changement climatique, jeunesses désœuvrées… Et les forces de sécurité de ces pays semblent mal préparées à livrer cette guerre, en partie insurrectionnelle, de type asymétrique, imposée par les groupes armés.

Axe nord-sud

L’enlèvement au mois de mai de deux touristes français et l’assassinat de leur guide béninois dans le parc naturel de la Pendjari ont ainsi sonné l’alerte. Les deux hommes ont été libérés par des forces spéciales françaises au nord du Burkina Faso avant qu’ils ne passent au Mali, illustrant ainsi la chaîne qui peut unir les différents groupes armés. Ces axes terroristes nord-sud se superposent aux routes des trafics en tous genres (êtres humains, armes, bétail…) qui financent en partie les groupes terroristes.

Officiellement, les pays d’Afrique de l’Ouest réunis au sein de l’organisation sous-régionale de la Cédéao ont décidé de prendre à bras-le-corps la lutte contre ces menaces multiformes (terrorisme, radicalisme religieux, crime organisé…) qui se nourrissent de l’instabilité politique et de la pauvreté. Un sommet a réuni, le 14 septembre à Ouagadougou, tous ses chefs d’Etat et de gouvernement. Ils ont dressé le constat d’impuissance des voies explorées jusqu’à ce jour, malgré une assistance financière internationale massive, le déploiement de 15 000 casques bleus au Mali, la présence des 4 500 soldats français de « Barkhane » et l’embryon militaire régional constitué par la force conjointe du G5 Sahel. Mais aucune alternative crédible n’a été proposée au-delà des promesses d’améliorer et d’élargir la coopération sécuritaire à l’ensemble de la sous-région pour terrasser ce qu’ils nomment « l’hydre terroriste ».

Jusqu’ici, la Côte d’Ivoire tient. Mais ce pays qui partage, au nord, plus de mille kilomètres de frontières avec le Mali et le Burkina Faso, est désormais en alerte.

Jusqu’ici, la Côte d’Ivoire tient. Mais ce pays qui partage, au nord, plus de mille kilomètres de frontières avec le Mali et le Burkina Faso, est désormais en alerte face à la contagion terroriste qui s’étend.

admin

Read Previous

PSG : la condition du président pour le départ de Mbappé

Read Next

Le Conseil des ministres du mercredi 14 novembre 2019 en 5 points clés.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *